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Rencontre avec Disiz - Le 05.12.12

  • Publié par xsebyx
  • dim 27 janv. 13 - 01:15
  • Interview
  • Genre: rap
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C’est avec une grande lucidité que nous sommes allés dans les locaux d’Universal Music à Paris pour rencontrer l’homme qui « pétait les plombs » autrefois. Aujourd’hui, ce grand monsieur du rap est de retour pour une trilogie et remplit déjà les salles. Ce sont de longs moments de réflexion et de création qui l’ont poussé à réaliser ce projet et c’est avec son cœur qu’il a répondu à toutes nos questions.

JustMusic.fr : Bonjour Disiz, tu viens de réaliser ton huitième album sous le nom d’ « Extra-Lucide ». Le précédent s’intitulait « Lucide » et le prochain portera le nom de « Trans-Lucide ». Peux-tu nous expliquer quels sont les liens entre ces trois albums et les raisons de cette trilogie ?

Disiz : Salut ! « Lucide » et « Extra-Lucide » s’inscrivent  dans une trilogie. Le premier est sorti en mars dernier et le deuxième au mois d’octobre. Actuellement, je prépare le troisième volet qui est « Trans-Lucide ». Les liens entre ces trois albums c’est la thématique de la lucidité. J’ai choisi ce sujet car nous vivons une époque très particulière. La crise économique, les catastrophes écologiques et bien d’autres choses nous plongent dans une atmosphère de « fin du monde ».

D’un autre point de vue, certains continuent de vivre comme si de rien n’était et comme si tout allait bien. Ils sont dans une euphorie constante où tout le monde est heureux et mange à sa faim. Malheureusement, cette manière de voir les choses est bien loin de la réalité.

La lucidité nous permet de ne pas rentrer dans un catastrophisme exagéré ou encore dans un cynisme abject. Moi-même, j’ai traversé des épreuves assez compliquées ces dernières années et c’est cette lucidité qui m’a permis de me sentir mieux dans ma peau. C’est ce que je raconte à travers de nombreux morceaux  et c’est aussi le fil conducteur de cette trilogie sur la lucidité.

JustMusic.fr : Ces trois albums sont-ils homogènes ? Quels sont les rôles de chacun ?

Disiz : Les trois sont homogènes mais ils ont quand même des intensités différentes. « Lucide » serait la prise de conscience, « Extra-Lucide » la reconstruction et « Trans-Lucide » la constance et la plénitude de la vie. Voilà à peu près les thématiques de ces trois albums.

JustMusic.fr : Quelles sont les différences sonores entre ces trois albums ?

Disiz : Il n’y en a pas vraiment car les albums ont été réalisés avec la même équipe. Je travaille beaucoup avec Dave Daivery qui est un petit peu mon référent dans la réalisation des morceaux. Les mixages ont été finalisés avec Charles et beaucoup d’autres artistes tels que Medeline, Street Fabulous, Diesel et Blastar qui ont contribué à la réalisation de l’ensemble de cette trilogie. Voilà à peu près l’équipe avec laquelle je travaille.

JustMusic.fr : Peux-tu nous parler de ton dernier concert au Bataclan ? Comment as-tu vécu cet événement ?

Disiz : C’est un souvenir chargé en émotion. Cette date était complète une semaine avant la sortie du disque et cela m’a énormément touché. C’est comme si quelqu’un te dit « je t’aime » alors qu’il ne t’a pas encore vu. Ce sont des choses qui font beaucoup de bien à un artiste.

Il y a eu « La Boule Noire », »Le Trabendo » que j’ai fait seul avec mon équipe et « Le Bataclan ». C’est une sensation qui est exponentielle car les salles sont de plus en plus grandes. Je prépare d’ailleurs l’Olympia pour le 23 avril prochain.

Le Bataclan était une étape importante car c’est une salle de 1500 personnes et la magie était au rendez-vous.

JustMusic.fr : Dans ton album, il y a « Combien de temps ? » qui est une chanson décrivant les dérives de notre société. Est-ce lié à ce que tu penses de notre système ?

Disiz : Oui c’est tout à fait lié. Je pense qu’il y a deux mondes : l’occident et le reste de la planète. La vision du monde que l’on peut avoir dans notre pays n’est pas la même que celle que nous pourrions avoir en Afrique ou en Asie. Individuellement, l’être humain reste le même partout dans le monde. C’est vraiment l’aspect collectif qui marque la différence entre les hommes.

A travers « Combien de temps ? », j’essaie de décrire la société dans laquelle je vis aujourd’hui en posant une question. Nous subissons ce système car, à mon avis, nous l’acceptons. Nous acceptons d’être pris pour des cons par de nombreuses industries. Les relations au travail et même dans la famille sont affectées par un certain cynisme. Le pire est que nous nous habituons à vivre avec les ravages du système. Je pense au clochard qui dort dans la rue sans que plus personne ne le regarde. Les cœurs se renforcent et je ne trouve pas ça normal.

JustMusic.fr : En 2009, tu as annoncé ton retrait du monde du rap français. Aujourd’hui, tu es de retour et tu es toujours rappeur. Que s’est-il passé durant cette période ?

JustMusic.fr : En 2009, j’ai voulu prendre un peu de recul. J’en avais marre du milieu de la musique et je ne savais plus vraiment quelle était l’image que je véhiculais. Dans ma vie personnelle, je traversais des moments assez difficiles et j’ai eu envie de m’extirper du milieu du rap. Je voulais sincèrement arrêter car je ne me reconnaissais plus dans cette musique. Mais le fait d’avoir pris du recul et de m’être arrêté m’a poussé à y revenir. C’est d’ailleurs ce que j’explique dans l’une de mes chansons dans l’album « Lucide ». Même si j’ai changé d’avis, je suis revenu avec la même sincérité.

Ma musique n’est pas tout à fait la même depuis mon retour. J’essaie de faire un rap plus ouvert en y intégrant des matières organiques comme des batteries ou encore de la guitare. Les thèmes abordés vont au-delà de mon bâtiment et de mon quartier.

JustMusic.fr : Que penses-tu du clash entre Lafouine et Booba ?

Disiz : Je trouve cela dommage pour ne pas dire stupide car cela n’apporte rien au moulin. Cela ne donne pas une très bonne image de notre musique. Je ne comprends pas pourquoi ils se battent en fait si ce n’est pour leurs egos. Je trouve cela déplacé dans le sens où nous vivons dans un monde où il y a de vrais problèmes. Je pense au fossé gigantesque qui existe entre les riches et les pauvres. Je pense aux combats que mènent le secours catholique ou encore les restos du cœur. Le temps n’est pas à la bataille d’egos selon moi.

Le rap a toujours été une musique qui dénonce certaines choses et j’avoue que lorsque je vois de tels débats, je suis très surpris. Ce sont des artistes qui valent beaucoup mieux selon moi.

JustMusic.fr : Il paraît que tu donnes des cours de théâtre à des jeunes ?

Disiz : Je donne des cours de dramaturgie au théâtre de l’Odéon à Paris. Ces cours sont suivis par des jeunes issus des quartiers populaires. Cela me permet de constater la grande différence qu’il y a entre leurs rêves et ceux de ma génération. Il y a vraiment quelque chose qui s’est passé car cette génération est vraiment désabusée. Ils entrent eux-mêmes dans le cynisme et sont convaincus du regard que l’on porte sur eux.

Ces cours sont très intéressants pour moi car cela me permet de voir une évolution très positive. Au départ, les élèves n’étaient pas très intéressés par le théâtre. C’est en trouvant des angles pertinents les valorisant que j’ai réussi à capter leur intérêt pour la scène. C’est une expérience fantastique.

JustMusic.fr : Le 2 décembre, il y a eu la Journée Mondiale contre l’Esclavagisme. Es-tu toujours autant investi dans ce combat ?

Disiz : Bien sûr, ce type de combat n’est pas une mode que l’on change suivant les saisons. Le combat est toujours là. Quand tu sais que l’esclavagisme existe encore dans de nombreuses parties du monde, tu ne peux pas rester sans rien faire. Ce fléau touche des personnes de toutes origines et quel que soit leur sexe.

J’en parle dans mon titre « Salauds de Pauvres » et je fais référence à toutes ces choses-là. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle je mets un cœur sur la pochette de mon album. C’est une manière de dire que, dans ce monde chaotique, l’amour est un très bon moyen de combattre. Je n’ai pas assez de temps pour te dire tout ce que je voudrais dire à ce sujet. En tout cas, le combat est définitivement là et pour toujours. Je ne veux pas rapper que pour moi et tomber dans le cynisme.

JustMusic.fr : Dans ton deuxième album, Dieudonné a fait une apparition. Est-ce qu’aujourd’hui en 2012 cela serait possible ?

Disiz : Je l’ai déjà fait une fois donc je ne sais pas pourquoi je le referais. Si derrière cette question se cache l’idée que je m’inscris dans certains discours de Dieudonné, je te répondrai « pas du tout » car ce n’est pas ma forme de combat.

Je suis d’accord avec certaines choses qu’il évoque et je trouve dommage qu’il soit ostracisé de la sorte. Je pense que tout le monde a le droit à la parole et que la censure n’est pas une solution. C’est peut-être d’ailleurs cela qui lui a fait prendre un certain chemin. En tout cas je trouve qu’il reste l’humoriste le plus drôle de tous.

JustMusic.fr : Quand sortira ton prochain album « Trans-Lucide » ?

Disiz : Je ne sais pas encore mais cela ne saurait tarder car je suis en train de le préparer. Pour le moment, mon actualité se consacre à « Extra-Lucide » qui est un album dense.

JustMusic.fr : Et bien comme toute bonne chose a une fin, je te remercie car ce fut un plaisir.

Disiz : Pareillement, merci à vous.

Sébastien Lesimple pour www.justmusic.fr

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